samedi 2 février 2013

Pièce à verser au dossier des fous de la neige.


 Le TGV fonce à toute allure dans le paysage. Ca c’est une phrase qu’Hermann Hesse aurait écrite autrement. Je crois avoir déchiffré, juste après le poste de contrôle, en deuxième et dernière ligne, St Georges… Cela doit être Villeneuve…en premier. Camaïeu de vert ancien de l’herbe et de tristes feuilles essayant de passer l’hiver. Insensiblement, cela passe du vert presque tendre au marron le plus funèbre. Les mêmes nuances que les treillis militaires de camouflages. Le monde est en guerre. Pas moi. Moi, j’ai l’impression que mon cerveau fonctionne beaucoup moins bien et, avant la visite chez le neurologue , que je crains décisive, j’ai décidé de m’offrir du luxe. La neige en hiver !

D’accord, il y a seulement un demi-siècle, non seulement ce n’était pas du luxe, mais carrément du quotidien, dans mon enfance je me souviens, sur le chemin de l’école , je découvrais les bouteilles de lait explosées par le gel avec leur contenu figé , du lait en forme de bouteille, et to t cela sur un lit de neige épaisse et vierge, mais les temps ont changé. A Paris il y a eu deux jours de petite neige en janvier. J’ai failli me faire truicider pour avoir dit, dans la nuit, à un passant « C’est beau hein, »
Il tirait une valise, je dois préciser pour ma défense, honoré jury, qu’elle était à roulettes, il m’a regardée, mon bonnet, moi, mes bottes fourrées de haut en bas et à craché un : « OUI, c’est beau si l’on est équipé ». Mon intuition féminine m’a fait sentir qu’il était inutile voire dangereux de lui demander pourquoi il n’était pas équipé, alors qu’on annonçait la neige depuis des jours, et j’ai continué ma route, sans essayer d’éclaircir pourquoi il courait, billet à la main, valise dans l’autre, dans le sens inverse de la gare de Lyon, en risquant de s’enfoncer dans la nuit tombante et, accessoirement dans le bois de Vincennes.
Devant ce manque d’enthousiasme parisien par rapport à l’une des plus belles et très rares séductions d’ l’hiver,  devant le fait qu'indéniablement en vingt-quatre heures il ne restait rien de cette belle neige dont la photo figure plus bas, j’ai décidé de rentrer chez moi et de voir ... du blanc. Car chez moi, il y en a.  Dans un compartiment deuxième classe du TGV, avec un billet premier prix sur internet, je roule, à côté d’un monsieur qui regarde des thriller sur son PC .Un Monsieur d’un certain âge, comme l’on disait avant que le « quatrième âge » soit inventé, lit à haute voix (de basse sonore)  et en russe un livre d’images à un petit blond de trois ans à peine. De la marée montante du discours émerge un Kartouchka. Ben voilà, on lit cela au jeune Aliocha de trois ans et après on s’étonne qu’il votera Poutine… Et dire qu’en plus ils ont la neige… Alors que moi je dois faire trois heures de train pour aller la retrouver… Mais comme il y a une justice, sur la Grande Rue de la bonne ville de Bulle, voici de gros flocons et, pour que mon bonheur soir complet, suit la parade d'un  carnaval (précoce)  et ses canons à confetti. Il pleut de l'enfance et du rêve,  des rires et de l'émotion, Blanche Neige chausse du 48, les petites filles ont enfilé des tutu et se sont coiffées de couronnes de princesse. Boris Vian avait raison :


C´ qui prouve qu´en protestant
Quand il est encore temps
On peut finir par obtenir des ménagements!

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