mardi 10 janvier 2012

L’OPPORTUNISME N’ATTEND PAS LE NOMBRE DES… ŒUVRES


J’assiste à un excellent cours de théâtre. A la sortie je m’attarde avec quelques élèves. Le professeur, un de mes amis, gardez moi de mes amis, les ennemis je m’en charge, me présente l’un des élèves, celui-là même qui me semblait, cela n’engage que moi, avoir un sacré handicap pour faire du théâtre :
-Voilà, Fulgence (nom de fantaisie) qui est apprenti comédien et aussi auteur. Il a écrit une pièce.
Si jeune et déjà Popesco ! selon la célèbre blague. Donc une seule pièce mais déjà auteur et comédien plus auteur. La valeur n’attend pas la boulimie des cumuls.
Je grogne quelque chose qui se veut poli pour dégager en touche. Je commence vraiment à ressembler à Jean Anouilh qui grommelait sous sa moustache lorsque, trop bon pour être blessant, se contentait d’être ironique. Mais le panégyrique du jeune génie continue.
-Ce serait bien que vous vous parliez…
Ouaip, je lui dirais de faire d’abord une chose bien : comédien par exemple avant de se mêler du reste, cela doit être mon côté schyzophrène…
-Tu pourrais lui donner…
Aïe les conseils ! je le sentais venir, en plus je suis sympa, je lis tout ce qu’on m’envoie , je passe des heures en conseils. Mais non, la phrase continue, inattendue et assassine.
-Tu pourrais lui donner… des conseils pour obtenir des subventions.

D’abord ceux qui prendraient des conseils auprès de moi pour avoir des sous seraient voués à une mort économique rapide, certaine et définitive. Ensuite…. ? que faire ?
Dire la vérité ? Ecris d’abord quelques pièces, deviens un auteur, monte les avec tes propres moyens, ne tends pas ta sébille après ta première crotte, même si pour tes narines elle embaume l’ambroisie. Le partenaire de l’artiste est le public pas le Ministère ni les mécènes qui, hélas, ont d’ailleurs les poches vides. Gamin, tu ne sais pas encore qu’on ne vit pas du théâtre mais qu’on en meurt. Au bout de quarante ans de survie difficile, je peux te le dire.
Mais personne ne dit la vérité… Alors je grommelle : qui du pédagogue qui l’encourage ou du jeune prétentiard qui veut un retour immédiat sur investissement (on en me propose pas de lire la pièce pour savoir si elle est bonne ou pas, on m’invite à ouvrir mon carnet d’adresses et à en faire bénéficier un blanc bec qui ne se foule même pas d’articuler deux mots de politesse sur son sujet, ses personnages etc) est plus blâmable. Je finirai dans un désert comme Alceste à force de me fiche des petits marquis et de leurs rimes débutantes mais… « j’aimerais ma mie au gué »… reste une valeur sûre, du moins c’est ce que je grommelle sous mon absence de moustache et accessoirement sous mon chapeau.

dimanche 8 janvier 2012

Fais-pas-ci & Fais-pas-ça sont dans une chapelle

Début d’année, moment des bonnes résolutions, je ne bois plus, je fais régime et je vais à la messe. Enfin quand elle n’est pas finie avant l’heure de commencer (voir mon blog de Noël). Je vais donc sur invitation d’une comédienne que j’estime dans une paroisse célèbre pour être celle des comédiens , mais hélas aussi parce que Napoléon avait massacré au canon, sur ses marches, des aristocrates hostiles à la Révolution. J’y suis en avance. Quand je vous dis que j’applique mes bonnes résolutions : je ne vais plus être en retard cette année, croix de bois, croix de fer… Comme l’avance est confortable, que les gens affluent lentement et en petit nombre, je me colle au bout d’une rangée, bien au fond pour ne pas gêner, et comme je dois faire un becquet pour un comédien auquel « je sauve la vie » j’allume bien discrètement mon MacBook air, format d’un cahier, couleur d’un cahier et j’œuvre en silence. C’est le moment que l’amie qui m’a invitée à la célébration choisit pour me tancer d’un air réprobateur « Fais pas ça ici ». Spontanément, je lui réponds, « Si l’on ne peut même plus créer dans une église… » . Elle s’excuse mais n’en pense pas mot. Evidemment je ferme mon Mac, tant pis pour le comédien auquel je n’aurai pas sauvé la vie. Aimez votre prochain comme vous même… Par la suite cependant, je réfléchis, faut bien que je fasse quelque chose en attendant le moment sacré. L’amie en question, à laquelle je ne peux rien refuser, comme le disait si bien l’ami Caragiale, sait que je n’écris pas des textes que la morale réprouve et/ou que la loi réprime. Je viens d’ailleurs, avant de bivouaquer sur la chaise paroissiale, de lui donner un texte de moi qu’elle souhaite lire en public. Pourquoi ce ICI ? Et surtout pourquoi ce « ça » ? Je n’étais pas sur un site de rencontres (il n’y a pas de réseau dans l’église, en tout cas, je n’ai pas essayé de me connecter), je n’étais pas sur un site d’achats en ligne (chassez les marchands du temple, j’ai de la culture évangélique, moi !). Et si j’avais sorti juste un calepin de notes, m’aurait-elle intimé : « Ne fais pas ça ici ! » ? Si la réponse est nom l’ennemi est le progrès, dans le cas précis, l’informatique, et pas l’écriture. Dommage, l’endroit m’inspirait, il était beau, serein, tolérant. Qui chantait déjà « Ce n’est pas à Dieu que j’en veux mais à ceux qui m’en ont parlé » ? Les voies du Seigneur sont impénétrables et, malgré mes bonnes résolutions, je n’aurais pas sauvé la vie de mon ami comédien. Au lieu du becquet promis, j’ai pris le temps pour vous écrire ce mot et vous confier ma perplexité… Et je pense que désormais je vais pouvoir commencer à refuser des choses aux amis. Et j'ouvre une série : chroniques de la bêtise ordinaire.

mercredi 4 janvier 2012

Mon cours de théâtre



Ma capacité de me créer des difficultés est proprement sidérante. Même pour moi qui me connais tout de même depuis un certain moment. J'avais abandonné la pédagogie (sauf des stages et interventions ponctuels pour des compagnies et des établissements scolaires) après une expérience en tout point réussie : celle du Théâtre de l'Ombre d'agréable mémoire. Or, depuis quelque temps, on me demande de donner des cours de théâtre. Que je ne peux concevoir que comme un accompagnement du texte théâtral jusqu'à sa mise en 3D, continuée par des exercices techniques, dessolions d'interprétations et des éléments de mise en scène, boîte à outils pour le comédien lui même, tout cela couronné par un spectacle de "fin d'année", sinon à quoi bon? Sans la confrontation au public, le doux venin du théâtre" n'est que mirage. Je prétextais trop de projets, l'absence d'ancrage digne de ce nom et autres fausses excuses. On m'offre un local à la Bastille, très exactement face à la Seine et au Marais. Les atermoiements ont été remplacés définitivement par le désir de s'y mettre, l'un cachant l'autre. Les cours commenceront le lundi 30, je vous en donnerai des nouvelles. "Je retourne au combat " comme le chantait Brel, mais avec joie car celui qui enseigne apprend au moins autant que le disciple. Cela, je le sais.