mercredi 27 avril 2016

Entre le Cher et l'Allier

Résurrection nécessaire et bienvenue pour aller au Salon L'envolée des livres  et rencontrer Gaëlle Josse dont j'ai adoré le dernier livre, puis présentation du Troisième Homme au cinéma de Saint Amand et conférence à la médiathèque sur Orson Welles. Une magnifique journée à Moulins pour visiter le Centre National du Costume de Scène (magnifique exposition, Barokissimo, sur les splendides productions des Arts Florissants) et le magnifique retable du maître de Moulins.

jeudi 14 avril 2016

Toujours hors combat

Une carte de mon fleuriste préféré...
accompagnée d'une pivoine pour redonner goût à la vie.
Voici ma table de nuit de malade. Malheureusement, après "Signé Furax", j'ai entamé "Le châle andalou", recueil de nouvelles d'Elsa Morante qui donnerait le cafard à n'importe qui. Sauf à mon virus, apparemment. Mais comment le dégoûter, celui-la?

vendredi 8 avril 2016

En captivité, entre ses mains

Cela devient presque rituel aux changements de saison. Au fond du lit. Avec un inconnu. Et qui ne se laisse pas chasser. Avec mes dernières forces, je suis allée me plaindre à ma doctoresse : elle connaissait l'intrus. C'est un serial love-killer. Plusieurs des patients de ma vénérée toubib, garçons et filles, en sont  victimes en ce moment. Donc l'ennemi n'est pas seulement doué d'ubiquité, de ténacité, mais aussi de bissexualité. Après un grand moment de colère, qui a duré trois jours, pendants lesquels il m'a obligée à annuler tous mes rendez-vous et déplacements, je me suis résignée. La condamnation est claire : huit a dix jours avec lui. J'ai fait semblant de l'ignorer en fréquentant des belles choses que je n'avais jamais eu le temps d'explorer. J'ai commencé à lire "Musique au château du ciel" de John Eliot Gardiner, tout en écoutant les cantates de Bach dont il parle si bien, dans la version de Nikolaus Harnoncourt, puis, pour changer de registre, puisque j'avais les oreilles bouchées et les yeux en larmes à force de lire, j'ai mis sur la platine les cinq fabuleux CD de "Signé Furax" de et avec Francis Blanche et Pierre Dac.
Juste avant de sombrer, grâce au conseil susurré de l'amie Michèle, j'ai même entrepris une tentative d'évasion. Prévenue que le fabuleux vieux cerisier japonais du Jardin des Plantes était en floraison (cela fait dix ans que je le guette, ratant toujours d'un jour ou deux la merveille), je m'y suis rendue. Pleine d'admiration, je surfais sur des vagues de plaisir esthétique, quand mon squatter (comment m'a-t-il suivi? "Signé Virus"?) m'a reprise et remise au lit illico. C'est de captivité que je vous écris ces lignes, pardon pour les éventuelles erreurs de frappe, c'est la fièvre et, comme le disait Guy Mollet, à l'époque Président du Conseil, après avoir annoncé la démission de son gouvernement : "Messieurs, je vous quitte, c'est l'heure d'écouter Signé Furax."

vendredi 1 avril 2016

Correspondances de printemps

Deux jours de trouble, de bonheur et d’humilité avec la lecture de Suite française d’Irène Némirovsky. J’avais découvert, il y a longtemps, Le Bal et David Golberg. Des chefs d’œuvre absolus. Et, avec l’orgueil stupide des pionniers qui croient détenir le secret des découvreurs et battent froid leur trouvaille quand elle devient une marotte publique, je me suis désintéressée de  Suite française. (Il y a des précédents célèbres : Voltaire faisant connaître Shakespeare aux Français, mais mettant un bémol dès que tout le monde s’en fût entiché, eh oui , on veut l’exclusivité de ses amours, c’est très bête, mais c’est humain… Si même Voltaire… Qui suis-je pour imaginer faire mieux que lui ?)
Quant à la Suite francaise, c’était d’abord un écrit posthume donc, pour ma nature méfiante, sujet à caution. Ensuite : un Renaudot post mortem accordée à l’auteur auquel la France avait refusé la naturalisation et qu’elle avait parquée dans les camps pour le malheureux mois qu’il lui restait à vivre avant de partir… en fumée, quelle hypocrisie ! 

Faisant de l’ordre dans la bibliothèque (plus exactement regardant ce que je pouvais vendre ou offrir pour faire un peu de place poru des nouveaux venus), j’ai commencé à lire. Sautant, à mon habitude, la préface qui retrace la terrible tragédie de cet écrivain, ayant fui sa Russie natale avec sa famille en 1918, n’ayant appris le français qu’à l’adolescence, remarquée par Bernard Grasset grâce au manuscrit qu’elle lui avait envoyé par la poste et publiée aussitôt, tout cela je le savais et je craignais que la légende n’entache de subjectivité ma lecture. L’humilié m’est tombée dessus comme un habit de pénitence vers la dixième page du texte : du génie, mais un génie discret, masqué d’humour, une observation des êtres et de la nature d’une finesse extraordinaire, une intuition historique, une sens politique purement prodigieux.
Nemirovsky écrivait en direct : pendant que les évènements se déroulaient, de l’exode à la rupture du pacte germano-soviétique. Arrêtée le 13 juillet 1942, elle fut assassinée le 17 août de la même année à Birkenau. Sur ces deux années terribles, elle ne se trompe pas une fois sur la suite des événements, pas une fois elle ne s’apitoie sur elle-même. Non, ce n’est pas un livre sur la Shoah, c’est un livre sur les hommes et les femmes tels qu’ils se comportent dans les temps noirs, c’est un livre sur la France et peut-être le meilleur livre sur aujourd’hui… Fermant le livre sur la postface contenant les lettres désespérées écrites par le mari qui essaie de délivrer Irène des camps  lui qui mourra à Auschwitz des son arrivé en novembre 1942, émerveillée par le miracle de la vie et de l’art qui fit que les deux filles orphelines du couple conservèrent, transcrirent et firent publier le manuscrit, je suis partagée : reconnaissante au destin qui a conservé ce chef d’œuvre malgré la mort de tant des acteurs de l’épopée et une colère inutile et rétroactive.

Ce matin, j’ai appris la mort d’Imre Kertesz. Il avait écrit  dans son discours de réception du prix Nobel :

 Si l’Holocauste a créé une culture – ce qui est incontestablement le cas -, le but de celle-ci peut être seulement que la réalité irréparable enfante spirituellement la réparation, c’est-à-dire la catharsis. Ce désir a inspiré tout ce que j’ai jamais réalisé.

Comme dans Suite française, ce qui me touche est l’absence de haine, le désir de comprendre, la foi dans la vie et une possible réparation.
Hasard absolu, j’écoutais la radio en rangeant ma cuisine et j’entends ces mots :

Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été allemand ? 

Evidemment, tout le monde doit connaître cette chanson de Jean-Jacques Goldman. Moi je viens de la découvrir, mais je découvre tout après tout le monde, ce qui ne m’a jamais privée d’enthousiasme. Ma journée sera bercée par l’amour de la vie, donc l’espoir dépourvu de haine et de violece, celui des livres de Nemirovsky et Kertesz et celui de la fin de la chanson :

Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps

D'avoir à choisir un camp.