vendredi 8 avril 2016

En captivité, entre ses mains

Cela devient presque rituel aux changements de saison. Au fond du lit. Avec un inconnu. Et qui ne se laisse pas chasser. Avec mes dernières forces, je suis allée me plaindre à ma doctoresse : elle connaissait l'intrus. C'est un serial love-killer. Plusieurs des patients de ma vénérée toubib, garçons et filles, en sont  victimes en ce moment. Donc l'ennemi n'est pas seulement doué d'ubiquité, de ténacité, mais aussi de bissexualité. Après un grand moment de colère, qui a duré trois jours, pendants lesquels il m'a obligée à annuler tous mes rendez-vous et déplacements, je me suis résignée. La condamnation est claire : huit a dix jours avec lui. J'ai fait semblant de l'ignorer en fréquentant des belles choses que je n'avais jamais eu le temps d'explorer. J'ai commencé à lire "Musique au château du ciel" de John Eliot Gardiner, tout en écoutant les cantates de Bach dont il parle si bien, dans la version de Nikolaus Harnoncourt, puis, pour changer de registre, puisque j'avais les oreilles bouchées et les yeux en larmes à force de lire, j'ai mis sur la platine les cinq fabuleux CD de "Signé Furax" de et avec Francis Blanche et Pierre Dac.
Juste avant de sombrer, grâce au conseil susurré de l'amie Michèle, j'ai même entrepris une tentative d'évasion. Prévenue que le fabuleux vieux cerisier japonais du Jardin des Plantes était en floraison (cela fait dix ans que je le guette, ratant toujours d'un jour ou deux la merveille), je m'y suis rendue. Pleine d'admiration, je surfais sur des vagues de plaisir esthétique, quand mon squatter (comment m'a-t-il suivi? "Signé Virus"?) m'a reprise et remise au lit illico. C'est de captivité que je vous écris ces lignes, pardon pour les éventuelles erreurs de frappe, c'est la fièvre et, comme le disait Guy Mollet, à l'époque Président du Conseil, après avoir annoncé la démission de son gouvernement : "Messieurs, je vous quitte, c'est l'heure d'écouter Signé Furax."

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