samedi 19 octobre 2013
Gares de triage
J'apprends par des amis proches que notre collègue de lycée Anca Ciortan sera enterrée demain à Bucarest. C'était une fille exceptionnelle, chaleureuse, scrupuleuse, désireuse de faire plaisir à tout un chacun. Je l'ai revue lors de la rencontre des anciens du Lycée Lazar fin mai. Elle abritait déjà dans son corps un crabe impitoyable, mais elle était si douce, si souriante que je n'ai pas soupçonné la maladie. Durant les heures de français, je lui envoyais des "poulets" en l'appelant son excellence le Prince de Chou fleur. Et je signais "Perce neige" avec je ne sais plus quel titre de noblesse inférieur. La correspondance faisait rage pendant les cours, correspondance décorée de dessins et de rêveries, et, le plus étonnant, Anca qui était bien meilleure que moi en français était aussi celle qui avait le premier prix à la fin de l'année. Preuve que cette rage postale ne nous empêchait pas de travailler. Elle nous avait apporté à la rencontre un cahier dans lequel, dans les derniers jours de lycée, chacun de la quarantaine de collègues lui avait écrit un mot, dessiné un motif. On s'est penché sur les doux délires de nos dix-neuf ans avec émotion et moult rires. Elle s'est éteinte, elle me manque. Une image de l'Eglise Saint-Paul dans le Marais qui vient de retrouver sa blancheur après des années sous les échafaudages pour nous consoler du temps qui passe, des amis qu'il nous enlève. Nous sommes sur un quai de gare : certains prennent le train, d'autres agitent la main. "Car on prend tous le train qu'on peut" chantait Brel dans Adieu l'Emile. Adieu, Anca.
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