... "Quand la politique se mêle à la culture, les deux sortent perdantes" écrit Mirel Bran dans Le Monde daté 23 mars 2013. La messe est dite.
Je suis passée deux secondes, en croisant au large du stand roumain, à la soirée d'ouverture du salon du livre 2013 dont la Roumanie (les lettres roumaines?) est/sont l'invité /les invités d'honneur.
Juste à temps pour assister à l'expulsion de contestataires, certes expansifs mais nullement dangereux.Tout à l'heure, Place des Auteurs P 42 je vais faire une intervention sur web tv culture au sujet de la littérature roumaine. Et préparant ma prise de parole, je me demande comment cela se fait que mon roman sur la Roumanie, L'Exil d'Alexandra, est bien présent sur le stand de son éditeur français, Actes-Sud, mais surtout pas sur le stand roumain. Il en va de même d'autres de mes textes sur la Roumanie, Toujours ensemble (joué en ce moment au Laurette Théâtre de Paris) et Photo de classe édités aux Editions La Femme Pressée. Et je me dis que la culture-officielle-roumaine-de -Roumanie qui fait toute sa publicité et plonge ses vraies racines culturelles dans ses écrivains en exil (Istrati, Ionesco, Cioran, Eliade, Celan, Fondane, Isu,Noailles, Bibesco) évite soigneusement les plumes libres.
Ce ne serait donc qu'un fond de commerce? Les apparatchik que je vois tout joyeux sur le stand roumain, auraient-ils participé à une "sélection dans la ligne actuelle politique?". Et je me retrouve, comme les grands écrivains vivant en Roumanie, qui ont boycotté le salon du côté de ceux qui n'y sont pas puisqu'ils s'opposent naturellement, epidermiquement à une dégradation de la vie culturelle et à son encadrement par des politiques. Toujours dissident , cela doit être un destin. Même pour les êtres sans destin.
Rien n'est plus nuisible que la politique de la chaise vide, on sait que les absents ont toujours tort, mais les conditions ne sont peut être pas réunies, sur le stand roumain du moins, pour parler librement littérature. Je comprends désormais les écrivains qui ont boycotté le stand, je suis contente de ne pas avoir "passé le tri des béni oui-oui", je ne jette pas la pierre à ceux qui à titre personnel son venus défendre leurs livres. Au demeurant, les écrivains absents ont refusé de se laisser instrumentaliser politiquement, en payant ce courage d'une moindre visibilité de leurs oeuvres.
Pour l'anecdote car, comme le disait le grand écrivain Caragiale "l'espace tragique des Roumains est le grotesque" je vous signale, parmi les écrivains officiels invités à s'exprimer, un ancien directeur de l'institut culturel roumain qui s'était kidnappé lui-même (pour se faire de la pub? pour écarter les soupçons de collaboration avec la Sécuritaté que la diaspora commençait à nourrir?) et qui fut retrouvé par la DST (qui prit l'affaire au sérieux, ah ces Français, aucun humour!) confortablement planqué, ravisseur de lui-même.
Si d'excellents écrivains roumains en arrivent à boycotter le stand roumain au Salon du livre de Paris, et on sait ce qu'il coûte à un auteur de ne pas venir défendre ses livres, ses idées, son éditeur, je pense que le moindre des soutiens que nous pouvons leur apporter, est de boycotter à notre tour, espérant qu'un jour viendra où une vraie fête des lettres roumaines (sans tri ni grenouillage) soit possible.
Les lettres roumaines (d'écrivains vivant en Roumanie ou en exil) ont raté un rendez-vous où ils étaient chaleureusement attendus. Ce n'est ni la faute des livres, ni des auteurs... quelques collabos, contrebandiers de culture politique, ont saboté la fête et c'est tout un peuple (pays et exil confondus) qui se montre indigne de l'honneur qui lui est fait.
Sincères excuses, tristesse au moins égale. Et vive la littérature, sans politique et sans "délikatessen"!*
Politique et délicatesse, savoureux texte de IL Caragiale, du temps duquel le dangereux mélange explosif
2 commentaires:
Je suis d'accord avec toi, Anca. L'histoire semble singulièrement sujette à ces hoquets qui nous rendent amers. Mais la liberté aura l'insolence de triompher, j'en suis convaincu. Comme le dentifrice qui s'échappe par une fissure du tube : une fois qu'il en est sorti, même simple coulure, essaies donc de l'y remettre !...
En tout cas, je regrette de ne t'avoir vue que quelques secondes sur le stand du Lions Clubs cet après-midi. J'espère qu'on aura l'occasion d'échanger plus longuement ici ou là, au coin d'un salon ou d'une représentation théâtrale. Et je te souhaite bonne continuation au plaisir des mots !
Bravo Anca pour le courage,
et merci
combien de temps vivras tu, douce pâquerette
petit perce neige sous la tourmente?
un Rrroumain
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