mardi 15 juillet 2008
PEINTRE ET ARTISTE PEINTRE, ECRIVAIN ET...?
Pour distinguer les deux métiers, on trouve, surtout dans les vieux films français (je crois que ma dernière référence connue date de « La traversée de Paris » de Claude Autant-Lara avec Bourvil et Jean Gabin) les termes : peintre et artiste peintre. Peut-être que le peintre gagne mieux sa vie, dispose d’un cahier de commandes bien rempli et des prestations sociales, mais il y a dans l’intitulé comme dans la pratique de son confrère, l’artiste peintre, une liberté, une implicite recherche, un léger orgueil aussi, qui les rendent séduisantes et un peu mystérieuses. Il en va de même, malgré l’absence de distinguo lexical, de l’écrivain et de l’artiste écrivain.
Il y a ceux qui, dans le genre populaire (parfois carrément populiste), dans l’intellectuel, dans le snob’, dans le polar, l’auto fiction ou l’actualité pondent régulièrement leur crotte imprimée. Elle est sans surprise et parfois c’est exactement ce qu’ils ambitionnent : ils ont leur public qui n’entend pas être bousculé, qui va au livre comme au supermarché, attendant de trouver tel produit sur tel rayonnage, on entre, on achète on sort, c’est de la consommation on n’en demandait pas plus. Surtout pas. Dans ce rayon (surgelé prêt à cuisiner) je m’étonne toujours de voir que, malgré leur mort cérébrale qui doit remonter à bien longtemps, tels les éléments radioactifs, Christine Angot, Philippe Sollers, Poivre d’Arvor-écrivain (pardon de ne pas donner de liste complète, mais ils sont nombreux, croyez-moi) continuent à émettre leurs radiations. Ce sont des écrivains et ils clament bien fort leur droit à cette appellation incontrôlée (écrits vains, pauvres forêts ) à longueur d’interviews, d’entretiens, de placards publicitaires dans la presse, à la télévision, sur les ondes. Qu’on leur laisse cette étiquette. Ils la méritent : à date fixe et régulière, ils pondent leurs… oeufs et les négocient auprès de leur éditeur fidèle (en principe, ils vendent et bien, sinon la vacuité de leur production les aurait fait disparaître depuis longtemps) qui écoule les stocks auprès de lecteurs qui croient entrer dans un univers alors qu’ils ne font que tourner les pages en marchant le long d’une autoroute, dans la pollution des gaz d’échappement et le bruit d’une circulation intense. Voilà pour les écrivains dans l’acception que nous lui donnons dans ces lignes.
Celui que j’appellerai artiste écrivain risque sa vie ou au moins sa santé mentale, ses rares certitudes et son confort intellectuel à chaque ligne. Il ne s’écoute pas écrire, il va à la mine (charbon ou or, il ne sait pas ce qu’il va trouver, mais il va remonter, pour nous, le trésor en surface), il est aussi concis et audacieux que possible. Son livre nous transforme en profondeur, on s’arrête souvent pur relire une phrase, revenir en arrière, son œuvre est un corps vivant qui réagit au moment où nous nous emparons, un sommet qui se laisse conquérir, une mer qui nous entoure, berce et caresse. Le livre fermé, son souvenir, son parfum nous poursuit encore, des phrases nous hantent, des images, surgies dans notre esprit comme de vieux compagnons familiers. Le plus souvent, l’écrivain artiste vit (mal, meurt dans l’incompréhension, souvent de tuberculose si ce n’est pas carrément de misère voire Orwell, David Thoreau) dans l’ombre des mercenaires du jour qui ont la parole insignifiante et le verbe haut, mais la postérité lui fait généralement justice. Rarement best seller, son livre se fraie un chemin à long terme et se recommande entre initiés comme une bonne médecine ou un cru exceptionnel. Le temporel appartient aux écri-vains, l’éternité aux autres. Mais comme elle doit leur sembler longue l’antichambre de cette reconnaissance méritée.
Pour compenser l’injustice, un banc idéal pour artiste écrivain, dans l’écrin des couleurs du monde et des roses trémières associées.
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