“Esta Sofía era una niña de doce o trece años, a quien en los largos primeros meses de mi enfermedad contemplaba abstraída ante un atlas geográfico tras los cristales encendidos de su ventana. Desde la mía, sólo un piso más alta, veía cómo su dedo viajaba lentamente por los mares azules, los cabos, las bahías, las tierras firmes de los mapas, presos entre las finas redes de los meridianos y paralelos. También Sofía bordaba flores e iniciales sobre aéreas batistas o rudos cañamazos, labor de colegiala que cumplía con la misma concentrada atención que sus viajes. Ella fue mi callado consuelo durante muchos atardeceres. Casi nunca me miraba, y, si alguna vez se atrevía, lo hacía de raro modo, desde la inmovilidad de su perfil, sin apenas descomponerlo. Esta pura y primitiva imagen, de Sofía a la ventana, me acompañó por largo tiempo, llegando a penetrar hasta en canciones de mi Marinero en tierra [...]. Desde entonces, aunque seguí viviendo hasta 1930 en la misma casa, Sofía se borró del todo, muriéndoseme verdaderamente, terminando por ser tan sólo un bello nombre enredado en los hilos de mis poemas”.
(RAFAEL ALBERTI, La arboleda perdida)
Cette Sofia était une petite fille de douze ou treize ans, que je contemplais, dans les grands premiers mois de ma maladie, alors qu'elle était absorbée par un atlas de géographie derrière les verres illuminés de sa fenêtre. Depuis la mienne, seulement un appartement plus haut, je voyais comment son doigt voyageait lentement à travers les mers bleues, les caps, les baies, les terres fermes des cartes, prises entre les fins réseaux de méridiens et de parallèles. Sofia brodait également des fleurs et des initiales sur des surfaces de batiste ou de rudes canevas, travail d'écolière qu'elle accomplissait avec la même attention concentrée que ses voyages. Elle a été mon réconfort silencieux pendant de nombreuses soirées. Elle ne me regardait quasiment jamais et, si jamais une fois elle osait, elle le faisait rarement, en observant un profil immobile, qu'elle ne modifiait quasiment pas. Cette pure et primitive image, de Sofia à la fenêtre, m'a accompagné un bon moment, jusqu'à envahir peu à peu les chansons de mon Marinero en tierra. Depuis lors, même si j'ai continué à vivre jusqu'en 1930 dans la même maison, Sofia s'est effacée de tout, en mourant à mes yeux véritablement, finissant par être aussi seule qu'un bon nombre enlisé dans les filets de mes poèmes.