
Il y a environ trente ans, à Lausanne, devant la télé, morte de fatigue, j’ai eu une révélation : une fée parlait de velours et d’or liquide. Entendez : brillant et brûlant. Ce n’était pas une comédienne, c’était Ondine. Celle de Giraudoux et d’Andersen associés. Je me suis jetée dès le lendemain sur les programmes de télévision, j’ai appris le nom de l’étoile qui venait de naître : Isabelle Adjani. Sur la scène de la Comédie Française. Le temps a passé, le monde entier a reconnu et fêté cette grande comédienne, il y a eu Barocco, Adèle H., Mademoiselle Julie, sa lecture impromptue et bienvenue des Versets Sataniques… Puis de moins en moins de rôles, de plus en plus de photos dans les magazines. Je m’ennuie d’elle, je traque sa trace partout, souvent en vain. Ce mois-ci, je l’ai retrouvée deux fois, merci papa Noël.
Passant par hasard dans la rue, je suis tombée sur cette galerie qui exposent des photos : Isabelle Adjani dans des poses de « Maître et Marguerite ». Avant, elle jouait des grands auteurs, maintenant elle « prend la pose » comme si elle les interprétait…
La seconde fois, je l’ai vue photographiée en accessoire d’un sac à main rouge.
Il y a trente ans, son génie nous tirait par la manche : on était fasciné par cet être unique dont la beauté n’était qu’un corollaire du talent. Trente ans après, elle n’a pas vieilli, l’image est parfaite. C’est peut-être pour cela qu’elle ne joue plus, qu’elle ne bouge plus. Arrêt sur image… La Bible et Oscar Wilde ont déjà traité le cas. Qu’as tu fait de ton talent ? Et où est passée l’âme de Dorian Grey ? A moins que notre époque ne nous pousse inexorablement à présenter plutôt une image lisse qu'un talent flamboyant?