Le charme de Fallois était de
réunir une séduction extrême, quand il le voulait, et un humour
inattendu, étant donné sa statu(r)e de dernier tycoon de l’édition.
Le première qualité, je l’ai vue
largement à l’œuvre quand, pour mon premier livre
chez lui, « Jean Anouilh, une biographie », il m’avait dit :
- Vous et moi, nous allons
faire une chose importante pour la littérature française : réparer un
oubli grave et publier la première biographie d’Anouilh.
Pour l’humour, je n’oublierai jamais une réception de gens de lettres qu’il me raconta.
Il s’y était
rendu, mais réalisant qu’il n’y connaissait personne
et que plus personne ne le connaissait (B de F dixit), il reprit son manteau au
vestiaire et s’apprêtait à sortir. Juste à ce moment, un vieux Monsieur le
salue cérémonieusement. Bernard de reconnaissait pas le visage, mais Il rendit
le salut et dit à l’inconnu :
-C’est étrange, je ne connais
personne dans cette assemblée…
Acquiesçant de la tête, l’inconnu lui répond :
-Mais bien sûr, que voulez-vous ? Il
n’y a plus personne. Gallimard est mort,
Marchand est mort, Fallois est mort…
Bernard ne le détrompa pas.
Quelques mois après, nous étions en train de signer le
contrat pour notre prochain livre ensemble, « Orson Welles une biographie ».
Etant donné le montant de l’à-valoir
que je trouvais plus faible que celui du Anouilh, je négociais. Je lui proposai
de lui donner les droits, non pas pour la durée habituelle de la propriété intélectuelle,
70 ans plus… mais pour une durée plus courte.
J’ai évoqué huit ans.
Il a cédé, mais le plus beau est la manière dont il l’a fait :
-Etant donné mon âge, ce serait
avantageux pour vous de mettre comme durée du contrat « jusqu’à la mort de l’éditeur »…
C’était il y a trois ans, c’était hier.
2 commentaires:
Droits d'auteur maximisé sur 8 ans ? Héritiers inexistants, ou alors rejetés. Heureusement, il restera quelques bouquins. Pourvu qu'ils ne suivent pas le destin de milliers d'autres trop tôt oubliés !
Réparer un oubli, honorer un auteur comme Anouilh, un artiste multiforme comme Orson Welles c'est une belle œuvre surtout quand c'est avec le talent de Anca Visdei. Nous sommes tous conscients de notre nature mortelle qu'il s'agisse de l'être humain, de ses œuvres, de sociétés et civilisations entières quelque soit la gloire passagère un temps plus ou moins long connue.
Que cela ne nous empêche pas d'accomplir notre destin avec nos capacités plus ou moins grandes dans le respect de valeurs, vertus peut-être surannées à l'aune d'une période de surconsommation boulimique autant que peu à même d'apprécier le sel de la différence. Sa différence et la qualité de celle-ci Anca Visdei la fait valoir non seulement avec talent mais aussi courage et cela mérite d'être salué.
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