vendredi 2 janvier 2009

Souvenirs, souvenirs…


Je voulais partager avec vous ce texte de Benoît Vitse, metteur en scène , comédien mais aussi excellent auteur des courageuses et drôlatiques « Lettres du Moldave ». Paru dans la presse, ce texte retrace certains de nos souvenirs communs pendant une épopée roumaine que Benoît décrit avec précision et humour. La photo représente l’auteur des lignes qui suivent dans le rôle de Victor Brauner.
Souvenirs, souvenirs...
A cette époque-là, en 1993, il n'y avait qu'un terrain vague devant l'aéroport d'Otopeni. Quelques voitures y écrasaient les rares brins d'herbe. Nous étions venus pour jouer en français la pièce d'Anca Visdei « L'Atroce Fin d'un Séducteur ». Anca nous avait accompagnés et elle avait surtout servi de guide. Elle était à la fois joyeuse et inquiète à l'idée de retrouver la Roumanie qu'elle avait quittée bien des années auparavant. Nous avons eu la chance de jouer au festival de Brasov, puis à Bucarest, à Craiova (première rencontre avec Purcarete) et même une mini-tournée dans le département de Teleorman.
La surprise était permanente. D'abord, l'accueil que nous avons reçu nous a émus au-delà de ce que nous pouvions imaginer. Ensuite, cette passion du théâtre et cette faculté de comprendre la langue française dans ses plus fines subtilités étaient pour nous une source continuelle d'étonnement. Cette première tournée fut déterminante puisque c'est à partir de cette date que j'ai pensé continuellement à la Roumanie, en tant que comédien et metteur en scène. Il faut dire que les discussions que j'avais eues avec les acteurs roumains et moldaves m'avaient fait comprendre que se jouait dans cette région du monde un théâtre sans trop de moyens techniques, privé des dernières sophistications en ce qui concernait la musique et la lumière, mais un théâtre vivant.
Pourtant, si en province tout fut remarquablement organisé, à Bucarest la situation se compliqua. Nous jouions au Théâtre Mic et le directeur de l'époque nous a convoqués, à l'issue d'une représentation qui s'était bien passée, et il nous a quasiment séquestrés. Il voulait nous faire signer un papier qui stipulait que nous l'invitions en France avec son spectacle. Il décidait avec autorité qu'il fallait promouvoir les échanges culturels. Nous en étions d'accord, mais nous n'avions pas les moyens de ses ambitions. Anca Visdei, d'abord affolée devant ce chantage, a pris la situation en main et elle a négocié avec beaucoup de courage. Finalement, nous avons dû quitter l'hôtel que nous avait réservé le théâtre et nous avons été pris en charge par quelqu'un qui avait aimé le spectacle et qui nous avait trouvé un hébergement dans une cité universitaire. Par la suite, un article était paru dans la presse pour dire que des acteurs français avaient joué une pièce scandaleuse et ruiné un théâtre roumain par leurs prétentions financières...
Dans le Teleorman, au contraire, nous avons été reçus merveilleusement. Il faut dire que pour cette pièce, qui est une excellente version d'un Don Juan, vue par une femme, nous avions besoin d'une dinde que je mangeais (en partie) sur scène. Dans les grands théâtres, on nous avait fourni des volailles en carton. Mais dans cette ville du sud, les habitants avaient tué leur dinde et l'avaient fait cuire. Je me souviens qu'on l'avait mangée après le spectacle avec les organisateurs.
Enfin une dernière anecdote lors de cette première tournée. Nous avions commandé des tomates dans un restaurant. Les différents plats passaient, mais pas les tomates que nous réclamions avec insistance. Nous y avions renoncé quand arriva l'addition sur laquelle les tomates apparaissaient. Nous avons signalé au garçon qu'on ne nous les avait pas apportées. Il nous répondit : «Oui, mais vous les avez commandées». En fait, nous nous en tirions à bon compte. On les avait commandées à plusieurs reprises et on ne les payait qu'une seule fois.
J'ai été confronté souvent à cet entêtement de certains Roumains à venir en France, notamment quand j'étais directeur du Centre Culturel Français de Iasi. Un jour, le directeur de la police vient me voir et insiste pour que je lui trouve un poste en France; il me donnait en échange quelques bouteilles de vin. Il était prêt à prendre n'importe quel travail, même le moins considéré. J'y voyais une marque d'humilité de la part d'un membre important de la police. Je lui demandais s'il parlait le français; il me répondit :«Le français? J'apprends cela en trois jours, je suis policier!» Brusquement, son humilité avait disparu.

3 commentaires:

kougibo a dit…

Impressionnant le contraste entre Anca Chanel et Anca au lit !
Bon courage et bonne année 2009
Roger

Anca Visdei a dit…

Hi hi nous sommes double, merci de le remarquer!

le blog d'Anca Visdei a dit…

Et moi qui croyais que vous alliez apprécier surtout le courage dont Vitse a la courtoise de se souvenir!