mercredi 6 décembre 2017

Etranger résident

C'est le titre de l'extraordinaire exposition d'une partie des collections (photos, oeuvres d'art, objets ethniques) de Marin Karmitz à la Maison Rouge, boulevard de la Bastille. Impressionnant, essentiel. 

5 commentaires:

Arturo Nevill a dit…


Longeant l’Arsenal sur sa gauche (babord ?) quand on va vers la Seine, le boulevard de la Bastille permet une pittoresque et dépaysante flânerie. D’un côté, il donne une vue plongeante sur le bassin, les bateaux amarrés, les jardins du port. De l’autre, quelques points singuliers méritent un commentaire. Les fidèles lecteur.rice.s du blog savent presque par cœur que celle qui en tient la plume y dispose d’une villégiature et que le théâtre, l’immobilier, la peinture et le jardinage n’épuisent pas la liste des activités qui s’y sont succédées. À peine plus loin, au débouché de la rue Jules César, elle vous vantera les mérites d’un very gentle restaurant bio. Et, venons-y enfin puisqu’il a les honneurs du présent article, il y a la “Maison Rouge”. Son invitation de nous y rendre est plus que bienvenue.

C’est, depuis plus d’une douzaine d’années, un lieu culturel dédié à l’art contemporain, avec un vaste espace d’exposition ; on peut y organiser des conférences ou des concerts ; il y a une bibliothèque, et de quoi se restaurer…

Si on mélange un peu les genres, “Étranger résident” devrait être sa 70ème exposition. Marin Karmitz dont on présente les collections, notamment de photos, vous le connaissez par ses initiales : bon an, mal an, ses cinémas MK2 drainent un spectateur sur six à Paris. Il est né dans une famille juive de Roumanie venue en France alors que lui n’avait même pas 10 ans. On ne s’étonnera pas qu’une partie de l’exposition se focalise sur la culture juive en Europe de l’Est avant la Shoah, sur Auschwitz ou sur Jérusalem. Elle s’ouvre en même temps sur les communautés Tsiganes des années ’60, ou par exemple sur une vision (assez sombre) de l’Amérique des années ’80.

Karmitz a fait l’IHDEC - il a surtout été cinéaste. Mais pendant une brève tout autant qu’effervescente période, il a été à la fois maoïste et photographe de presse. Son tempérament de collectionneur indique à l’évidence que son intérêt pour l’image fixe ne s’est pas éteint. Cette exposition dure jusqu’au 21 janvier. Sera-t-elle la dernière de la Maison Rouge ? Son créateur et mécène (Antoine de Galbert) en a annoncé la fermeture : “Il me semble préférable qu’elle finisse alors qu’elle est au plus haut de la vague, plutôt que de courir le risque de moins bien finir.”

le blog d'Anca Visdei a dit…

Merci à Arturo pour ce billet si documenté et intéressant. En effet, Marin Karmitz est d'origine roumaine. Ses parents possédaient des industries chimiques importantes et le changement de régime après la guerre et l'exil qui s'en est suivi les a dépossédés de leurs bien. Probablement aussi l'antisémitisme de l'époque. La réussite de Karmitz tant comme producteur, diffuseur et collectionneur est d'autant plus remarquable.
Je me demande s'il n'avait pas aussi réalisé un film. En tout cas, très jeune, son fils avait réalisé un merveilleux court métrage "homo télévision" ou un titre approchant au sujet de la passivité des spectateurs qui au lieu de vivre leur vie la consacre à regarder les images animées d'autrui. Il a également produit en 1992 le merveilleux film Le Chêne de Lucian Pintilie, excellent portrait de la Roumanie après la "révolution" de palais qui remplaça un dictateur par sa garde rapprochée.
Hélas, j'ai les mêmes informations : Antoine de Galbert se prépare à fermer La Maison Rouge, la charge financière
étant trop importante, même pour quelqu'un qui a des moyens importants et qui est prêt à les utiliser pour promouvoir la beauté et la culture. Raison de plus d'aller voir cette exposition en forme de chant du cygne. JE reprends la citation de l'un de mes lecteurs : "Les chants désespérés sont les plus beaux.".

le blog d'Anca Visdei a dit…

PetiPS: en effet industrie chimique mais plus précisément pharmaceutique...

le blog d'Anca Visdei a dit…

Je reçois, par courriel, cette précision qui me semble importante et que ej partage avec vous:

J'ai été sensible, dans un récent commentaire de blog, à ta reprise de la référence aux "chants désespérés"... mais elle ne fait que 10 pieds. C'est la répétition de "les plus" qui permet de rajouter les 2 pieds manquants. Faisons maintenant passer le désespoir avant les chants, si beaux soient-ils :
"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux. / Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots."

Merci.

Anonyme a dit…

J'y suis allé. Formidable. merci