vendredi 6 novembre 2015

Au service de la France!

Il y a une quinzaine d'années je gagnais agréablement et confortablement ma vie en écrivant des scénarii (oui, je sais, je suis l'une des dernières à utiliser ce vieux pluriel, mais cela fleure bon l'Italie) pour la télévision. TF1, M6 et divers producteurs étaient aux commandes. Pour un auteur venu du théâtre c'était le paradis : il fallait écrire vite et drôle, cela on savait faire, mais, en plus on été payés! Le rêve! Petit à petit cette niche bénie fut envahie de script editors (j'ai toujours cherché l'équivalent en français, mais comme les dits SE ne faisaient rien sauf embrouiller les choses entre producteurs et auteurs, puisqu'ils  n'écrivaient pas ni ne produisaient), de femmes ou hommes mariés aux producteurs qui émargeaient au budget, etc, etc... et plus il y avait de monde, moins bon c'était. Des débuts joyeux ou nous écrivions nos textes dans la joie et les vapeurs de café à l'Hotel Rafael on est passé à une atmosphère d'usine qui ne délivrait que du calibré politiquement correct insipide et incolore.

J'ai changé de crémerie en distribuant mon humour, sens de la construction, du dialogue, style etc dans les romans et les biographies. De temps à autre je regardais une série américaine, à commencer par Malcolm et à finir par Mad Men en passant par Docteur House, et je me demandais pourquoi avec de bons comédiens, scénaristes, etc on ne pourrait faire la même chose en France. La dernière proposition que j'ai refusée c'était un Navarro, signe que je prenais du galon. Il fallait que je propose un thème d'épisode : j'ai pensé que Navarro pouvait avoir une maitresse, ce qui  aurait créé un conflit  intéressant avec sa fille qu'il élevait seul. Les producteurs m'ont dit "Vous ne pensez pas : Navarro avoir une maîtresse?!" J'ai apporté des arguments : " Ben il est célibataire, il a le droit!" Réponse : "Navarro, non mais, vous n'y pensez pas..." Devant la tactique du disque rayé, j'ai utilisé ma dernière cartouche : "Le commissaire est interprété par Roger Hanin, or Hanin, on peut très bien l'imaginer avec une maîtresse car dans la vie...". "Taisez-vous, malheureuse!"

La j'ai compris que les programmes français ne devaient avoir aucun lien avec la réalité de la vie du pays. Je suis entrée dans la longue nuit où je me consolais avec des séries anglo-saxonnes quand... soudain, ...le dernier jeudi d'octobre, j'ai commencé à regarder les premières épisodes de Au service de la France. Quatre épisodes à lâcher tout travail en cours, même tout plaisir, pour rire, s'amuser et réfléchir. D'excellents comédiens dont les visages ne sont pas toujours les mêmes jusqu'à saturation, des découvertes de situation, une belle réalisation, de l'humour, de l'humour, premier, deuxième, jusqu'au n-i ème degré, des personnages, des décors années soixante sans défaut, chiadés comme des oeuvres d'art.
 Un voyage dans le temps tout en parlant d'aujourd'hui. Comme quoi la distanciation peut oeuvrer sans prétention intellectualisante inutile, avec légèreté, ironie et bon goût. Le principal responsable est Jean-François Halin (scénario) déjà remarqué lors de son OSS 117 Le Caire nid d'espions   réalisé par Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin, ce qui présageait déjà le meilleur. Cependant, rendue méfiante, j'ai attendu la deuxième semaine : hier encore quatre épisodes sur ARTE.
L'espoir se confirme : tout y est  : politique, mesquineries de bureau, guerre froide, amours, époque, "A bout de souffle", intrigues de couloir. Je n'ai pas de mots tellement c'est bien fait et généreux. On pouvait donc faire rire en parlant de la France réelle, on peut raconter des histoires qui semblent vraies car le politiquement correct ne leur à pas coupé les ailes?
Lecteurs bijoux, lectrices adorées, je n'ai que ceci à vous dire : jeudi prochain, ce sont encore quatre épisodes de "Au Service de la France". Refusez tout dîner, toute sortie : sélectionnez ARTE à 20h 55 et soyez heureux. Vous regarderez... la France d'hier qui explique celle d'aujourd'hui, vous verrez  une équipe de grand talent. Et à la fin, vous ferez comme moi, vous prierez pour qu'il y ait une suite! Bravo les artistes. Et merci!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Effectivement écrire des "scénarii", ça fleure bon l'Italie, mieux que cela ne la "flaire"; encore qu'Anca n'en manque pas de flair, ni de fleurs.
Espérons que ses "scénarii" éventuellement à venir nous épargneront ces confusions un peu grossières tout de même...

Arno Turville a dit…

Bénéficier, sous une plume allègre, d’une tranche de l’histoire des heurs (et bonheurs plus mitigés) de l’écriture des scénarii, scénarios et autres scripts pour la télévision.
Se sentir convié à découvrir ce que présente actuellement ARTE (Au Service de la France), en savourer l’humour et apprécier le réel talent des acteurs, à hauteur du rire et de la réflexion qu’il suscite.

Cela nous parvient par regroupements de quatre épisodes.
Pour celles et ceux qui ne pourraient ou ne sauraient pas lâcher tout travail ou tout autre plaisir le jeudi soir, qu’il sachent qu’ils peuvent les voir (et revoir) pendant sept jours encore, jusqu’au vendredi soir de la semaine suivante.
Le lien est http://www.arte.tv/guide/fr/plus7/

Ainsi, au cours de ce vendredi béni – il ne peut que porter chance (vendredi 13) et c’est aussi la Journée mondiale de la Gentillesse… dites-le avec des fleurs et vous verrez le blog d’Anca s’épanouir encore davantage… il est encore possible de regarder les épisodes 5 à 8, diffusés le jeudi 5, puis les quatre derniers de ce jeudi 12, jusqu’au 20 novembre cette fois.