vendredi 25 septembre 2009

Des adieux


Mes adieux
24 septembre 2009
Mon amant est mort. Ils ont eu sa peau, ceux et celles qu’il m’a préférés. Bien fait ? Non. Pas juste. Sans lui ma vie n’a pas de sens. Je lui ai donné mes plus belles années. Nombreuses. Et de savoir qu’il s’est fait avoir par ceux qu’il m’a préférés, au lieu de me venger, me rend encore plus amère. Je n’ai pas su l’aimer, j’aurais dû faire plus, moins ? autrement ? Il n’est pas encore enterré, mais si le cœur bat encore l’encéphalogramme est presque plat. Il agonise, il ne me reconnaîtrait plus. Etat végétatif, moi non plus je ne le reconnais plus tellement, ou alors sur les vieilles photos.
Que vais-je devenir ? Changer d’idéal ? A mon âge ? M’accrocher à lui, jouer les veuves éplorées ou même les glorieuses serait encore pire. Que faire ? Mon amour était le théâtre ou plutôt le texte de théâtre, vous savez celui qu’on peut encore aimer un peu dans les vieilles photos où dans ses lettres signées Tchékhov, Feydeau ou attribués à Shakespeare. Qui a eu sa peau ? Des bandes d’inconscients avec leurs créations collectives, ses metteurs en scène qui se prennent pour Dieu et croient savoir tout faire y compris écrire alors qu’ils savent tout au plus communiquer un peu et brasser trois idées qui se veulent révolutionnaires ou fédératrices ? Ceux qui ne savaient pas écrire et on maquillé leur imposture en nouveauté ?
Hier soir j’étais au milieu d’un bois. Dans un théâtre. Le directeur venait de se casser la figure avec une mise en scène d’un discours d’homme politique (le président des Etats Unis qui évidemment n’a d’autre tribune pour s’exprimer que le théâtre dans les bois aux environs de Paris) comment dit-on « voler au secours de la victoire » en américain ? Donc jouant à la fois les metteurs en scène, les auteurs et surtout les politiques agités, notre directeur de théâtre ennuie tout de même suffisamment, même les critiques (pourtant mithridatisés) pour que certains écrivent l’ennui de cet essai raté qui est de la politique qui se veut de l’art qui se rêve complet qui ne l’est pas qui devrait… Sans pitié ( sans mercy, je suis comme ça) ne trouvant pas le directeur, on le perd aisément dans une foule, je me retrouve nez à nez avec son factotum qui parmi d’autres casquettes a aussi celle de directeur du comité de lecture du théâtre, ce n’est pas méchant car personne ne lit la dedans…donc je lui parle.
-Cela fait quinze ans que je suis vos spectacles, je viens dans ce bois à chaque nouveau travail (je pensais « pet » mais on m’a domestiqué pendant mon enfance) et en quinze ans vous n’êtes jamais arrivé à lire l’un de mes textes. Alors que vous êtes payés pour cela.
Soit dit en passant avec des subventions-vases-communicants avec nos poches de contribuables.
Il bredouille.
-C’est que… il y a … des vagues.
Je veux bien que le spectacle vers lequel on s’achemine s’appelle Les Iles Kerguelen, je veux bien que mon factotum porte sur son visage les signes indéniables d’un alcoolisme sévère de longue date mais ces vagues…. Qu’allaient-elles faire dans cette forêt ?
- Je vous propose une planche de salut. Essayez de vous accrocher au moins maintenant…
Il est emmerdé, s’il pouvait me faire disparaître, mais qu’est qu’il lui a pris de se mêler aux spectateurs ? Voilà ce qui arrive quand on essaie de travailler… Il bredouille :
-Tout ce que je peux dire c’est que… pardon.
Serait-il à jeun ? Moi, son excuse me fait une belle jambe. J’aimerais bien lui dire quelque chose de dur mais il est si…glissant ? inexistant ? sur la mer déchaînée on ne pourrait même pas s’en servir pour flotter un instant… A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Des vagues ? non mais… Dans la salle de spectacle, on suit les aventures du capitaine de Kerguelen qui, ayant promis à Louis XV de découvrir un contient, l’Eustrasie, se rend, désespéré, à l’évidence qu’il n’a découvert que quelques îles inhospitalières glaciales, peuplées de manchots… Les vagues encore. Ce sont sûrement elles qui sont en train de noyer mon bel amant qui portait pourtant bien ses quelques millénaires de scène. Ils ont eu sa peau. Vagues. Vague. A l’âme.
Ne soyez pas inquiets pour moi : il me reste la peinture et les romans, je me donnerai à d’autres amours, je n’ai pas la vocation du veuvage. Ce qui m’amuse c’est que, de toute ma belle production à la gloire du texte théâtral, les seuls lignes que les hommes des bois auront lues seront peut-être celles-ci. Ca parle d’eux, enfin quelque chose qui les intéresse, n’est-ce pas ?

12 commentaires:

Arturo Nevill a dit…

Quand le coup d'envoi a été donné le jour de la Chandeleur ("... à toutes les sauces"), j'ai écrit un bravo assorti de quelques digressions.

L'approbation au présent billet ne se diluera pas dans d'autres considérations.

Brigitte a dit…

heureusement dans les bois, il y en de nouveaux qui pourraient mieux entendre... Un aquarium, pourquoi pas? plein de baisers d'une fidèle...

Anca Visdei a dit…

Bisous aussi à mon amie, merci à ceux qui m'ont téléphoné pour me dire qu'ils étaient prafaitement d'accord avec moi, cela m'a touché, mais tant que c'est entre nous... Faudra sortir du bois.

Anca Visdei a dit…

Bisous aussi à mon amie, merci à ceux qui m'ont téléphoné pour me dire qu'ils étaient prafaitement d'accord avec moi, cela m'a touché, mais tant que c'est entre nous... Faudra sortir du bois.

Anonyme a dit…

Anca ,n'oublie pas: " Soyons économe de notre mépris, il y a tellement de necessiteux .." Courage , et viens vite voir un tas de films anglais.

Anca Visdei a dit…

Yes, je viens voir les films anglais dès le 8 à Dinard et je viensaussi voir mon anonyme qui me fera, je l'espère, d'âpres critiques sur ma Chanel avant parution. Je susi ravie car j'avais eu aujourd'hui coups de fil de David, de Bruno et de Thérèse, réagissant à ce texte, il ne me manquait que le cher Merlin... Merci.

Anca Visdei a dit…

Yes, je viens voir les films anglais dès le 8 à Dinard et je viensaussi voir mon anonyme qui me fera, je l'espère, d'âpres critiques sur ma Chanel avant parution. Je susi ravie car j'avais eu aujourd'hui coups de fil de David, de Bruno et de Thérèse, réagissant à ce texte, il ne me manquait que le cher Merlin... Merci.

Anonyme a dit…

Bravo , c'est des c...
Bevenuto

Anonyme a dit…

Tu as été blessée mais tu as raison!
Elly

Anonyme a dit…

Je n'irai plus dans leur théâtre
bruno
PS et tu te rends compte, tu es critique et auteur connu et traduit, alors les autres... Vagues

Lisbeth / Luna a dit…

Je n'irai plus aux bois ni même à celui des théâtres qui est sur la colline. J'ai trop vu de "productions" où je n'aurai pas dû perdre mon temps. Par-ci-par là, je glane un spectacle qui laisse des empreintes et non un arrière-goût décevant. Je suis d'accord avec toi Anca.

Luna

Anca Visdei a dit…

Merci beaucoup. Je suis ahurie de tous les coups de fil que je reçois de gens qui en ont aussi un peu assez de "faire la claque" pour des créateurs en alambic fermé dont nous subventionnons les enfermements qui sont d'avantage dictés par des réseaux que par des soucis artistiques. Quelle tristesse d'arriver à ce constat, moi qui pensais que les subventions avaient du bon! Pour la qualité du théâtre.