lundi 2 février 2009

OBAMA A TOUTES LES SAUCES


Des amis vraiment chers m’adressent un courriel me
« recommandant chaleureusement la représentation du discours d'Obama sur la race au théâtre ». Suivent coordonnées du théâtre, horaires, etc.
Je suis auteur, ils doivent le savoir, bien que je les soupçonne de ne pas acheter un seul de mes livres pour me permettre d’acheter à mon tour mes épinards (du beurre je n’en rêve même pas !) pour pouvoir aider dans ma modeste mesure à la relance de notre économie claudicante.
Ils sont médecins, quand on me recommande un rebouteux, un mage, un ostéopathe, une magnétiseuse qui prétend tout guérir (et parfois cela peut même marcher !) je trouverai indélicat de les y envoyer. Pourquoi à moi, écrivain de théâtre, ils me recommandent un politique ?
Comme ce sont des amis chers, je leur ai fait la réponse que voici. Je crains que c’est la fin de nos amours. Je me console avec tant d’historiques exemples où des gens qui voulaient « bien faire » passaient à côté de leur objectif, quand leur action ne se retournait carrément contre le but initial. Si j’étais Barak (Obama pas Ehud) je me méfierais très fort de ces thuriféraires qui m’encensent avant même le début de mon action. Hormis qu’ils portent la poisse, ils alimentent ensuite les premiers régiments de déçus, les pires.

« Chers amis,
A une époque où les auteurs francophones (de langue maternelle française ou qui auront choisi le français pour s'exprimer) crèvent la dalle et sont incapables de trouver des scènes pour faire entendre leurs textes, je crois qu'il n'est pas d'une urgence démente de mettre sur la scène d'un théâtre en France le discours d'un président des Etats-Unis qui a d'autres et multiples tribunes dans tous les media pour s'exprimer. Sans parler de sa langue (devenue) de circulation plus internationale que la nôtre. Cette représentation n'est qu'un maillon, vertueux certes en raison du personnage et du sujet, mais quand même l'un de ces innombrables maillons qui ont livré le théâtre qui devait être art, poésie, mystique et combat (Camus, Shakespeare, Tchekhov, Sophocle, etc) aux "basses tentations prométhéennes" du jour (politiques, faiseurs d'argent, snobs divers). C'est ainsi que Maître Vergès empuantit avec ses vieilles déjections le beau Théâtre de la Madeleine... qu'un quarteron de quart-vedettes de la télévision montent des spectacles bâclés mais loués d'avance à guichets fermés, que des professeurs de médecine, par ailleurs éminents, squattent des théâtres avec des OVNI scéniques genre "Le professeur E. A deux mots à vous dire". Leurs prestations sont des conférences, il y a plein de lieux prestigieux dans Paris pour cela, sans parler des auditoires des Universités.
Vous me répondrez peut-être que les représentations théâtrales actuelles sont si dépourvues de qualité que ces impétrants, ayant horreur du vide, comme la nature, casent leur ego dans les endroits laissés libres par la fuite des spectateurs. Peut-être mais agir ainsi, voler au secours de la victoire, ne sera qu'ajouter une pelletée de terre sur le cercueil du théâtre en français agonisant (mais qui respire encore !) qui se fait déjà bousculer de tous les côtés : spectacles de danse et divers snobismes sans paroles, fascination de la vedette qu'elle quelle soit (le Tapie paillasson), impératifs économiques dictant la réduction des "plateaux" à un comédien (tout au plus le comédien et sa maîtresse du jour, damned! on est sous l'Empire, le second).
Une idée, un discours vertueux ne sont adaptés que s'ils n' occupent la maison d'un autre nécessiteux qui, dans ce cas, se trouve être l'écriture scénique française.
Pardon pour ce bémol, en ce moment je lis tous les soirs la correspondance de Georges Clémenceau et c'est à peu près aussi franchement qu'il casse les élans purs de ses amis quand il voit se profiler derrière un second plan auquel ils n'ont pas prêté attention. Et contrairement à lui, je crains que » le dernier quart d'heure » ne sera pas à moi. Ni au théâtre en français.
A part cela le sieur Obama a été élu président, c'est sur son action concrète qu'il va être jugé, on n'est qu'au début d'un terriblement long et difficile chemin, rendu encore plus difficile par l'enthousiasme exagéré de zélateurs inconditionnels, même "si la photo est bonne" et si le discours excellent. Discours d'ailleurs écrit ou tout au moins amélioré par un écrivain maison... Blanche.
Et n’allez pas en déduire que je ne suis pas contente de l’élection de B.O. Qu’aurais-je pu souhaiter d’autre ? Mais ce n’est pas une raison pour le vouloir en auteur de théâtre, en cuisiner chef, en cardiologue ou en beau-frère, bref en Super man. Un peu de mesure serait la preuve d’un véritable soutien. »
Image : l'entrée de ma rue, quatre fois interdite, à peu près aussi bouchée que le paysage culturel francophone.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Aux armes citoyens, l'étendard du théâtre est levé, portons le bien vivant, haut et loin sur les routes du monde, que ses mots redoutables de puissance décapent les esprits encroutés,affadis,jaillissent tels des feux follets, libèrent de la gangue médiaticoronronnante par la controverse, le cri, la vie!
P

Anonyme a dit…

Hier, les Chevaliers de la Table Ronde à la télévision. Merlin dit au Roi Arthur qui fait de grandes promesses après avoir tiré Excalibur de la pierre : "Non majesté, il faudra régner par les actes, pas seulement par les paroles." Un conseil pour Obama? Que des tas de gens (qui ne se battent pas pour les problèmes du voisin d'à côté) nous ressortent et resservent comme une victoire personnelle. Ne serait-ce pas du racisme à l'envers? Parce qu'il est noir il est "forcément, forcément formidable?" A moins qu'ils en fassent des tonnes parce qu'il est jeune et beau, ce qui reste du racisme tout de même,
foi de vieux black moche que je suis
le vieux noir grincheuse

Anonyme a dit…

Tout d'abord mes voeux que, par les vertus du magicien rassurant qui t'a opéré, tu te retrouves progressivement et efficacement "sur pieds" dans des conditions physiquement supportables et durables - rétrospectivement satisfaite de t'être résolue à cette opération.

J'en viens au présent article. Je te le dis tout de suite car c'est le plus important et, par comparaison, le reste ne sera que broutilles : il m'a plu, et sur le fond et dans la forme. Tu as joué sur les bémols : voici l'un des miens.

Quel que soit le brio, où tu excelles, dans le choix des messages et dans la façon de les exprimer, il arrive que la virtuosité qui émane de ce second aspect écorne un peu la rigueur du premier. Certes, le pessimisme de la raison étant réputé être l'optimisme de la volonté, il était de bonne guerre que de noircir un tantinet le trait. Mais n'aurait-il pas été suffisant, par exemple, pour accabler tes correspondants au stade de ton explication préliminaire, de mettre le point final du second paragraphe après "... un seul de mes livres" ? Tout savoureux qu'il puisse être, le développement éco-gastronomique émousse la pointe du scalpel.

Cela étant, je crois que le choix de l'ennemi supposé n'est pas mauvais. Car, on ne le sait jamais assez, l'exercice consistant à choisir ses ennemis est nettement plus périlleux que lorsqu'il s'agit des amis - fussent-ils très chers. Il n'est pas dit dans la chanson si tu as suivi le conseil de Philippe Bouvard (les choisir plus âgés parce qu'ils disparaissent plus vite). Ce serait peut-être celui d'Oscar Wilde (on ne saurait être trop soigneux à cet égard : les choisir pour leur bonne intelligence - Dorian Gray)... A moins d'en venir à Clémenceau (si vous n'en n'avez pas, c'est que vous n'avez rien fait) ?

Digression pour en finir, sur Clémenceau justement. Car du jeudi au lundi, on passe de Mademoiselle au Tigre. J'écarte d'entrée la raison alphabétique (Georges vient après Gabrielle et Clémenceau après Chanel). Itou, quel que soit le "tempérament" de l'intéressé, parce que, en dépit de la différence d'âge (Il n'a pas de vieux messieurs, il n'y a que des femmes maladroites), leurs parcours de vie se seraient croisés. Alors ? En tout état de cause, ce me semble un fort bon choix.

Arturo

Question subsidiaire : Sur la photo, la rue Buffon, c'est celle à droite ?

Anca Visdei a dit…

Cher Arturo,
quelle précision, quel humour, un vrai feu d'artifice, surtout le " pessimisme de la raison étant réputé être l'optimisme de la volonté" que je ne connaissais pas, sans parler des autres, surtout la non-existence des vieux messieurs, adage que je connaissais mais qui gagne à être répété.
Je pense que ta remarque sur le passage à l'as des épinards est juste, mais..." je n'ai pas pu m'abstenir", comme l'ont dit quelques hommes politiques lorsqu'ils franchissaient la ligne du diplomatiquement correct que l'on attendait d'eux. Il se peut aussi que souligner à outrance fasse partie de mon tempérament artistique qui me pousserait à en rire plutôt que de m'avouer blessée, à caricaturer plutôt qu'à passer sous silence, à souligner le trait en expressionniste plutôt qu'à laisser flotter l'atmosphère comme les impressionnistes que pourtant j'adore.
En effet, tu devines tout :
-la rue Buffon est à droite (et sur mon blog tu peux toujours, en cliquant sur un détail de photo l'agrandir, donc tu pouvais voir bien lisible la plaque de la rue) et...
- notre chère Chanel a croisé la route du Tigre puisque celui-ci était anglophile et Chanel, à l'époque, la maîtresse d'un Boy Capel, homme d'affaires anglais qui ravitaillait les Alliés en charbon.Au plaisir de te relire,
Anca

Anonyme a dit…

Grosses bises aux charmants habitants de la rue quatre fois interdite, bientôt Cité interdite !

Radu

Anca Visdei a dit…

Merci Radu,
grâce à toi je me prends pour Alexandra David-Neel, ce que j'ai toujours rêvé d'être. Demain : Lhassa!
Anca

Anca Visdei a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Une autre Alexandra ? Comme c'est bizarre...

Bisous, trisous, multisous, plein de sous,

Radu